Scénario Ars Magica : Le réveil d’Euric

Introduction :

Ce long scénario s’inspire d’une légende qui raconte la formation des Pyrénées. La version que j’utilise est la suivante :

« En des temps reculés qui ont presque disparu de la mémoire des hommes, à une époque où la région occitane n’était encore peuplée que de géants, vînt s’égarer dans ces contrées périlleuses une jeune femme. Pyrène était son nom et elle était très belle, si belle en fait qu’un géant tomba amoureux d’elle. Ce géant était Euric et il essaya en vain de séduire l’humaine. Celle-ci, terrifiée non seulement par les géants mais également par toutes les autres créatures extraordinaires qui peuplaient la Terre en ce temps là, prit la fuite. Euric ne renonça pas et fit faire pour sa belle une bague magnifique. Il chercha Pyrène longtemps et, lorsqu’il la retrouva enfin, lui offrit son présent. Evidemment la jeune femme fut à nouveau prise de panique et chercha à s’enfuir. Euric, tout à son désarroi face à la réaction de sa bien-aimée, laissa tomber la bague de chagrin. Celle-ci était si grosse, à la taille d’un doigt de géante en fait, qu’elle tua la pauvre Pyrène dans sa chute.

Euric fut pris de désespoir et entreprit de bâtir un tombeau gigantesque pour abriter la dépouille de celle qu’il aimait. Le géant travailla de longues années et, lorsqu’il eut enfin fini son œuvre, il était tellement fatigué qu’il sombra auprès de Pyrène dans un profond sommeil dont il ne s’est toujours pas réveillé. Le tombeau de Pyrène était tellement grand qu’il parut une montagne aux hommes qui vinrent s’installer dans le pays occitan à la suite des géants. Ils nommèrent cette montagne les Pyrénées en l’honneur de celle qui y est enterrée, mais aujourd’hui peu connaissent encore les origines de ce nom. Et encore moins savent que le géant est toujours endormi aux côtés du corps de sa bien-aimée. »

Ainsi que le titre l’annonce, ce scénario raconte le réveil du géant endormi. Il est écrit pour une Alliance se trouvant sise dans les Pyrénées et qui, de préférence, possède un accès souterrain dont nul ne sait où il mène (le réseau souterrain inexploré est un classique à la création d’une Alliance). Dans le cas contraire, il suffit de déplacer ledit accès souterrain à proximité d’un village se trouvant non loin de l’Alliance.

Tout commence sur la fin de l’automne avec l’apparition d’un léger grondement qui semble accompagner d’imperceptibles tremblements du sol aux alentours de l’accès souterrain. Le phénomène se reproduit plusieurs fois à quelques jours d’intervalle et de manière presque régulière. Il semble gagner en ampleur à chaque fois mais sans toutefois devenir menaçant. Evidemment le phénomène ne devrait manquer d’intriguer les mages, soit qu’il se produit dans le domaine de l’Alliance, soit que des paysans inquiets sont venus demander de l’aide aux ‘érudits’.

Le cauchemar :

L’arrivée précoce d’un hiver plutôt morne et rigoureux, associée à l’apparition d’un phénomène pour le moins inquiétant, est de nature à instaurer un climat de tension. Cette partie du scénario propose d’exploiter cette tension.

Une nuit le phénomène s’accroît brusquement ; le grondement est tel qu’il réveille immédiatement toutes les personnes se trouvant dans un rayon d’une demi-lieue et les tremblements suffisant pour faire tomber les objets posés sur des meubles. L’agitation prend fin immédiatement après un fracas terrible : l’éboulis qui bloquait l’accès souterrain vient de s’effondrer.

Rien de tel ne s’est réellement produit : tous les membres de l’Alliance sont victimes d’un cauchemar commun. La veille au soir le cuisinier avait inclus au menu les derniers champignons de la saison – champignons hélas non comestibles dont l’ingestion provoque une fièvre délirante pendant quelques heures. Dans le cas présent les champignons donnent en plus la faculté de rêver en commun à cause de l’aura magique (ou féerique selon l’Alliance) dans laquelle ils ont poussé.

Quant au contenu du cauchemar en lui-même, je préfère laisser le champ libre au Conteur qui prendra soin d’ajuster les événements aux hypothèses formulées par les joueurs. Personnellement j’ai subdivisé le réseau souterrain en deux niveaux : le niveau supérieur abritant les traces d’une occupation troglodyte antérieure de nombreuses années à la création de l’Alliance et le second conduisant de plus en plus profondément dans les entrailles de la terre et portant tous les indices permettant de supposer une destination infernale. De plus lorsque l’ouverture de l’accès souterrain a été découverte, des empreintes sur le sol montraient clairement qu’une créature en était sortie. Ladite créature n’était autre qu’un démon dont la première préoccupation a été de tuer une servante, de prendre son apparence et de cacher le corps rendu méconnaissable dans les souterrains.

L’intérêt du cauchemar est que le Conteur peut orienter les événements sans trop se soucier de la logique dans le but d’instaurer une ambiance angoissante. De plus cela permet de s’autoriser quelques débordements comme la mort d’un mage par exemple sans prêter à conséquences sur la saga. Cependant il est important de ne pas trop abuser et d’essayer de rester crédible pour ne pas vendre la mèche trop tôt.

Le réveil vient heureusement remettre les choses dans l’ordre. Pour autant le problème du grondement et des tremblements n’a pas disparu. Le cauchemar devrait même conduire la Troupe à s’interroger sur le contenu des souterrains et peut-être mener à leur exploration. Dans tous les cas celle-ci ne devrait pas pouvoir commencer avant le printemps prochain ne serait-ce qu’à cause des rigueurs hivernales ou de la nécessité de disposer d’un expert pour mener les travaux d’excavation de l’éboulis qui obstrue l’accès aux souterrains.

Troubles à Lombrive :

Il est désormais acquis qu’une mystérieuse activité souterraine a été ressentie tout au long de l’hiver de façon intermittente. L’explication de ce phénomène approche mais l’heure n’en est pas encore venue. Pour le moment focalisons notre attention sur le petit village de Lombrive situé aux abords d’un lac presque inaccessible dans les hauteurs des Pyrénées, complètement cerné par des pics déchirés et menaçants dans un décor qui rappelle les Highlands écossaises.

Lombrive compte 32 âmes réparties en 5 foyers (3 bergeries, 1 tanneur et le curé) et c’est l’endroit où notre Alliance vient acquérir ses moutons depuis 2 ans. Cependant les raisons de la présence de servants à Lombrive peut être autre. En particulier les villageois produisent également de la laine et du cuir.

La composition du village :

Première bergerie : Gisette (35 ans) et Clément (32 ans) ; la sœur aînée de Gisette, Blanche, vieille fille (36 ans) ; leurs 3 enfants dont une fille et deux garçons ; les grands-parents de Clément, Hercule (63 ans) et Consuelia (61 ans) qui ne s’entendent plus guère.

Seconde bergerie : Aliénor (28 ans), veuve et 2 enfants (2 filles) ; la tante d’Aliénor, Isabelle et son fils Guilherm (17 ans) => la principale activité de cette bergerie n’est pas tant l’élevage que le tissage de la laine et la confection de vêtements.

Troisième bergerie : Ronan (29 ans) et Maïté (26 ans) et leurs 4 enfants (3 garçons dont des jumeaux et une fille) ; la grand-mère de Maïté, Astrella (42 ans) ; le cousin de Ronan, sa femme et leur fils unique pied-bot, Fernand, Marie et Sylvain.

Le tanneur : Raymond et son épouse Christiane ; leurs 2 garçons ; l’oncle de Raymond complètement paralysé par les rhumatismes Philippe ; les grands-parents de Christiane, Louise et Ferdinand ; un ouvrier Pascal => le tanneur possède aussi un petit troupeau.

Le curé : Luis (36 ans).

Les faits imputés aux servants de l’Alliance :

8 mars : Ronan se rend dans les bois collecter certaines herbes afin d’empoisonner les bêtes des autres éleveurs (Astrella lui a indiqué l’emplacement mais elle ne s’en souvient pas : elle n’a plus la mémoire très sûre).

10 mars : Clément constate que certaines de ses bêtes sont malades. Comme il est le seul dans ce cas et que les servants de l’Alliance vont bientôt venir pour leurs achats, il suspecte l’un des trois autres éleveurs. En surveillant leurs agissements il constate que Raymond trompe sa femme avec Marie.

13 mars : Clément menace Raymond de révéler son secret à moins que celui-ci ne lui avoue son méfait. Evidemment Raymond dément et Clément, reprenant sa surveillance, découvre Ronan en train d’empoisonner les moutons d’Aliénor.

Comme il ne dispose pas de preuves, Clément décide qu’il volera Ronan en dédommagement des moutons empoisonnés et qu’il fera accuser les servants de l’Alliance quand ils viendront acquérir des bêtes.

14 mars : Fernand découvre en montant aux pâturages une grotte dans laquelle il trouve de l’argent (produit des rapines de bandits qui officiaient dans la région il y a plusieurs années) ; il en ramène une part chez lui et la montre à sa femme sans toutefois en préciser la provenance.

15 mars : arrivée des servants de l’Alliance en fin de journée. Dans la nuit Marie surprend Clément dans le campement des servants alors qu’elle rejoint Raymond pour lui parler de la découverte de son mari.

16 mars : les servants achètent les moutons dont ils ont besoin et repartent ; ils sont rattrapés peu de temps après et accusés par Ronan du vol de son argent.

En conséquence de quoi ils sont retenus sur place en attendant qu’un procès prenne place (les villageois acceptent éventuellement que l’un d’eux s’en retourne à l’Alliance pour prévenir de la situation).

23 mars : Raymond parle de l’or découvert par Fernand à Clément qui continue de le faire chanter dans l’espoir d’acheter enfin définitivement son silence. Clément suit discrètement Fernand jusqu’à sa grotte. Une dispute éclate entre les deux hommes et Clément trouve la mort. Fernand décide de se taire et jette le corps du haut d’une falaise mais, lorsque le corps est découvert, sa femme déclare qu’il est coupable de son assassinat. Elle donne comme justification que celui-ci avait été payé par un éleveur d’un village voisin pour empoisonner plusieurs bêtes du village. Elle apporte comme preuve l’argent découvert par son mari qui serait en fait un acompte dudit éleveur et ajoute que Fernand pensait Clément au courant et qu’il projetait de le faire taire.

24 mars : arrivée éventuelle d’autres personnages de l’Alliance ; les deux procès se dérouleront deux jours plus tard. En l’absence de preuves consistantes ou d’aveux (surtout d’aveux considérés à cette époque comme ‘la reine des preuves’) le juge statuera l’évidence.

Indices et fausses pistes :

Evidemment l’emploi de la magie est de nature à accélérer l’enquête mais non à la résoudre. En effet, encore faut-il parvenir à convaincre le juge au moment du procès et avec d’autres moyens.

Concernant les faits peu d’indices matériels existent : s’il n’y a pas de traces des herbes employées pour empoisonner les moutons c’est une solution qui paraît évidente au vu de la situation. Astrella est réputée un peu sorcière et tous au village savent qu’elle connaît les plantes. Le principal élément pertinent est la variété des pièces du trésor de Fernand. Certaines sont anciennes et beaucoup proviennent de contrées relativement éloignées. Il est donc peu probable qu’elles proviennent d’un éleveur d’un village voisin. La Troupe ne possède pas le temps de se rendre avant le procès dans les villages voisins. Pourtant l’interrogatoire des éleveurs des environs permet de s’assurer qu’aucun d’entre eux n’a payé Fernand pour faire empoisonner des bêtes à Lombrive.

Concernant les fausses pistes je ne préfère pas m’étendre et laisser le soin au Conteur d’en imaginer en fonction des actions des joueurs. Certaines s’imposent d’elles-mêmes : Astrella pratique la sorcellerie ; le curé du village possède un passé hérétique ; diverses histoires de coucheries, en particulier concernant Marie puisque à l’évidence elle a commis des péchés : son fils est pied-bot.

Remarques diverses autant qu’utiles :

En premier lieu, en dehors des personnages suspectés d’avoir volé de l’argent qui sont à ce titre enfermés dans une grange, le reste de la Troupe est logé chez Gisette, veuve depuis peu. Son grand-père, Hercule, est particulièrement volubile concernant ses exploits passés au cours des croisades mais aussi – et c’est là le plus important – les légendes locales.

En second lieu je tiens à rappeler comment se termine généralement un procès à cette époque : si la coutume ne permet pas de déterminer l’issue du procès, soit que personne n’est d’accord sur son contenu soit qu’elle est inapplicable, les choses se déroulent généralement de l’une des façons suivantes. L’une des parties jure devant Dieu avoir raison auquel cas l’autre partie perd le procès (il faut préciser qu’au Moyen-Age les parjures sont assez peu nombreux car les hommes craignent la justice divine bien plus que la justice des hommes car elle dure éternellement). Les deux parties peuvent décider de s’en remettre à un duel judiciaire : il s’agit d’un duel réel dont le vainqueur est considéré comme innocent car Dieu favorise les justes. Enfin l’ordalie impose une épreuve généralement impossible dont l’issue détermine ou non la culpabilité de celui qui la subie.

La Cour de Lumière :

L’histoire continue et revient sur les souterrains de l’Alliance. L’heure est venue de les explorer pour de vrai et non plus seulement en cauchemar.

En fait les souterrains abritent un regio féerique composé de trois niveaux de magnitude croissante : 2, 4 et 6. Au cœur du regio se trouve la cour féerique, tantôt Seelie, tantôt Unseelie, qui protège la dépouille de Pyrène et le sommeil d’Euric. Les grondements qui agitent et inquiètent l’Alliance ne sont rien d’autre que ses ronflements car ses rêves se sont depuis peu mués en cauchemars. Le temps dans le regio passe beaucoup plus lentement qu’à l’extérieur : le Conteur a donc la possibilité d’ajuster la perte de temps de la manière dont ça l’arrange.

Quoiqu’il advienne soit les Mages vont prendre la décision d’explorer les souterrains de l’Alliance suite aux événements de l’hiver soit le destin va s’en charger pour eux : s’ils ne font rien, les tremblements continuent de se répéter de manière intermittente et finissent par avoir raison de l’éboulis qui bloque l’accès aux souterrains. Cette partie scénario est par essence très linéaire mais pas forcément donjon-esque comme le lecteur pourra s’en apercevoir.

L’exploration des grottes commence…

Globalement le chemin qui mène jusqu’au cœur du regio féerique n’est pas très compliqué : il suffit pour l’essentiel de suivre l’unique tunnel qui s’enfonce dans les profondeurs de la terre. Cependant franchir les différents niveaux du regio n’est pas chose aisée et le franchissement de chaque voile fait intervenir des épreuves.

Les premières difficultés qui se posent sont d’ordre purement matériel : par endroits le tunnel descend de façon abrupte et demande un peu d’escalade pour être suivi alors qu’à d’autres endroits il se rétrécit tellement qu’il rend impossible le passage autrement qu’à quatre pattes – voire même impossible pour les personnes de taille 0 ou plus. De plus ces difficultés topologiques sont associées à des éléments plus mystérieux qui pourraient même prendre un tour inquiétant dans l’esprit des joueurs.

En premier lieu le tunnel se trouve tapissé par endroits de champignons de toutes tailles et de toutes les couleurs. Ceux-ci sont très fragiles et se désagrègent dans un nuage de poussière de leur couleur dès qu’on les effleure (en prendre un sans le détruire est particulièrement délicat). Ils n’ont pas d’autres effets que d’entraîner une bonne quinte de toux et d’apposer chez ceux qui le respirent une espèce de voile devant le regard qui distord leurs perceptions en fonction de la couleur du champignon (qui voit son environnement sous un jour inquiétant, qui le voit sous un jour fabuleux, qui le voit sous un jour psychédélique…). Cela dit ces champignons présentent un certain intérêt puisqu’une personne sous leur influence éprouvera moins de difficulté pour franchir un voile féerique.

On trouve également des parois recouvertes d’une espèce de lichen phosphorescent dont émane un légère lumière verdâtre. Quiconque s’intéresse de près à ce lichen provoque l’envolée des milliers de vers luisants minuscules qui recouvrent en fait les murs.

Enfin les tremblements et le grondement se font parfois ressentir et certaines personnes peuvent avoir la vague impression qu’un souffle parcourt les galeries.

Le franchissement de chaque niveau du regio requiert une épreuve dont la réussite augmente les chances de franchir le voile vers le regio suivant. La première épreuve est d’ordre physique, la seconde intellectuelle (sous la forme d’une énigme) et enfin la dernière teste la vertu (il s’agit de tenter chaque personnage en jouant sur l’un de ses traits de caractères négatif).

La difficulté pour pénétrer dans le regio suivant est normalement de 10 avec les modificateurs habituels (en considérant que l’influence des champignons donne un bonus de 1 et la réussite d’une épreuve un bonus de 3).

Les membres de la Troupe qui parviennent à franchir avec succès les trois niveaux du regio se retrouvent ensemble au cœur du domaine féerique tandis que les autres finissent par se rejoindre après avoir errer longuement dans la portion du tunnel précédant la première épreuve.

Le regio féerique…

Lorsque des personnages atteignent enfin le cœur du regio, ils débouchent du tunnel sur un léger escarpement rocheux qui surplombe une vallée merveilleuse. Ils peuvent apercevoir au centre de la vallée le siège de la Cour de Lumière et il paraît proche. Pourtant l’atteindre n’est pas aussi facile qu’il ne semble et, dès qu’elle quitte le surplomb, la Troupe peut constater que la physionomie des lieux a complètement changé et que le chemin qui mène à la cour féerique semble moins évident.

De fait les déplacements à travers le regio n’obéissent pas aux règles terrestres et cette partie du scénario se décompose en saynètes reliées entre elles par des liens symboliques. Interagir avec le contenu de ces saynètes doit permettre aux joueurs de comprendre comment atteindre le centre du regio.

Dès qu’ils s’avancent dans la vallée, un être féerique (un lutin) d’un mimétisme parfait avec son environnement s’enfuit précipitamment, abandonnant derrière lui une flûte.

Jouer de la flûte permet de parvenir à la saynète suivante. Si aucun personnage ne l’utilise, la troupe se perd dans la forêt pour se retrouver à son point de départ.

En fonction de l’air joué la saynète suivante diffère :

- un air hésitant mène à la clairière du joueur d’échec.

- un air chaotique mène auprès du lutin qui ne sait quel cadeau offrire à la reine Sidonie.

- un air joyeux mène auprès des satyres qui font la fête.

- enfin un air triste conduit auprès du vieux saule au bord de l’étang.

Saynète du joueur d’échec :

Au milieu d’une clairière se trouve une petite table avec un jeu étrange posé dessus composé d’un plateau où se succèdent alternativement carreaux noirs et carreaux blancs et de figurines (un échiquier). D’un côté se trouve un vieux gnome qui paraît millénaire et parfaitement immobile. Sur l’épaule du gnome se trouve un écureuil et, de l’autre côté de la table, un lapin est assis sur une chaise. Lorsque les personnages approchent le lapin s’adresse à eux et leur demande de le poser sur la table afin qu’il puisse mieux voir le jeu. Ensuite il leur demande des conseils sur le déroulement de la partie (et au besoin explique les règles de ce jeu étrange).

La partie est mal engagée pour lui et surtout comporte quelques irrégularités (comme un nombre anormal de certaines pièces par exemple). Si quelqu’un mentionne ce dernier point l’écureuil, jusque là silencieux, prend la parole : « La lumière de l’aube permet d’envisager le problème sous un angle nouveau, la lumière du midi le débarrasse de ses artifices, la lumière du crépuscule l’enveloppe de tromperie et la nuit le soustrait. ».

La scène est baignée d’une lumière crépusculaire continuelle qui cache la vraie répartition des pièces sur le plateau. Les personnages peuvent décider de quitter les lieux vers le couchant auquel cas ils se rendent à la saynète du troll dans la lande enneigée ; ils peuvent se rendre vers le levant auquel cas ils parviennent auprès du vieux saule. S’ils reconstituent la partie dans ce dernier lieu alors la disposition des pièces apparaît différemment et en recoupant avec la disposition précédente il est possible de déterminer le coup gagnant. Si les personnages permettent au lapin de gagner celui-ci les conduit jusqu’à la saynète du pont du village qui seule permet d’atteindre la cour féerique.

Saynète du lutin qui ne sait quel cadeau offrir à la reine Sidonie :

A la croisée des chemins se trouve un lutin qui rejette d’une charrette emplie de bric et de broc divers objet en marmonnant continûment : « Non, non, NON ! Rien ne fera jamais l’affaire ! ». Si on lui demande quel est le problème celui-ci rétorque que c’est en ce moment même l’anniversaire de la reine Sidonie et qu’il ne sait quel cadeau lui offrir. Les objets qui se trouvent dans sa charrette peuvent être classés en quatre catégories : des jouets, des accessoires vestimentaires, des objets d’art et enfin des sucreries. Interrogé sur la reine il explique que celle-ci à 14 ans, qu’elle doit être parée des plus beaux atours car c’est une reine, qu’elle aime les bonbons et qu’étant elle-même artiste elle aime les objets d’art. En conséquence de quoi il ne sait pas du tout quel présent lui offrir. La solution est simple : elle consiste à ne pas choisir et à prendre un objet représentatif de chaque catégorie. En fonction des objets choisis par les personnages ils vont accéder à une saynète différente. Dans le cas où ils prendraient des objets recouvrant plusieurs catégories ils accèdent à la saynète la plus utile pour eux.

- un jouet conduit auprès du joueur d’échec.

- un vêtement (ou la lyre des satyres si le Conteur est gentil) mène auprès des nymphes qui se baignent.

- un objet d’art ou une sucrerie mène auprès des satyres qui font la fête.

Saynète des satyres qui font la fête :

Au milieu d’une clairière de nombreux satyres font la fête : beaucoup boivent, certains jouent de la musique et d’autres s’abandonnent à la rêverie, la peinture ou la sculpture. Même si la fête est joyeuse les personnages peuvent cependant ressentir une certaine tristesse. Les satyres sont prompts à expliquer le problème : leur fête ne peut pas être réussie sans femmes or ils ne savent pas où se trouve la rivière des nymphes. Ils demandent donc aux joueurs de retrouver ces Belles Dames pour les convier à la fête en jouant un air de lyre. Pour les remercier de leur aide les satyres promettent de leur remettre un tonnelet de leur meilleur cru.

Dans le cas où la troupe comporterait des femmes séduisantes celles-ci peuvent éventuellement payer de leur personne les satyres et permettre ainsi de récupérer le vin.

Suivant que les joueurs disposent du vin ou non ils se retrouvent soit auprès du vieux saule triste soit au point de départ en quittant les lieux.

Saynète du vieux saule au bord de l’étang :

Aux abords d’un étang se trouve un vieux saule gigantesque qui paraît clairement vivre ses dernières années. La scène est perpétuellement baignée de la lumière de l’aube.

Le vieil arbre abrite sur ses branches de nombreux oiseaux de toutes les couleurs qui chantent des mélopées somptueuses. Le saule est capable de parler laborieusement mais de parler quand même. Il a peu à raconter : il radote beaucoup et s’étend principalement sur le fait qu’il est vieux et que ses articulations sont complètement noueuses et douloureuses. La seule chose qui pourrait apaiser un peu sa douleur est du vin féerique mais qui prendrait la peine de le lui en amener. Ah la jeunesse ! Le respect des anciens se perd !

Faire boire ses racines dans le tonnelet de vin donné par les satyres réanime quelque peu le vieil arbre et il se souvient alors du passé : « Ah je me souviens l’époque où j’étais encore un vieux saule… Les fêtes données en faveur de l’anniversaire de la reine Sidonie… Pour pouvoir être admis il fallait réciter la bonne formule, aujourd’hui encore je m’en souviens… ». Et il récite la formule, pas évidente à se rappeler, mais qui seule permet d’accéder à l’anniversaire de Sidonie.

Parfois certains oiseaux d’envolent de l’arbre et suivant lequel on suit, on arrive a une saynète différente :

- suivre l’oiseau multicolore mène auprès du lutin qui cherche un cadeau.

- suivre le rossignol aux trilles qui sonnent comme de l’eau claire mène auprès des nymphes qui se baignent ; un rossignol s’envole assez rarement.

- suivre la cigogne indolente conduit à la saynète du troll dans la lande enneigée.

- ne pas suivre d’oiseaux ramène au point de départ.

Saynète du troll dans la lande enneigée :

La scène est de nuit mais on y voit clair grâce aux reflets de la lune et des étoiles sur la neige. Tapi dans la lande se trouve un troll hideux et mangeur de chair humaine qui attend son heure. Une fois celui-ci terrassé, il est possible d’accéder à son antre où est retenue captive une petite fille qui est en fait la maman de Sidonie. L’anniversaire de Sidonie ne peut se produire que si sa mère est libérée et il n’est possible d’accéder à la cour de Lumière que pendant l’anniversaire de la reine.

Quoiqu’il en soit quitter le lieu amène toujours au point de départ.

Saynète des nymphes qui se baignent :

Les nymphes sont belles, nues, irrésistibles. Tout bel homme a ses chances avec elles mais il est quasiment impossible de le faire repartir de cet endroit une fois qu’il a succombé aux charmes de ces Belles Dames.

Celles-ci attendent avec impatience l’anniversaire de Sidonie mais elles précisent qu’il ne peut avoir lieu tant que sa mère, qui a disparu mystérieusement la veille (dans le temps propre au regio cela peut-être n’importe quand), n’a pas été retrouvée.

Charmées par la lyre elles se rendront auprès des satyres pour une orgie indescriptible.

Repartir de ce lieu mène automatiquement auprès des satyres.

L’anniversaire de la reine…

Si on suit le lapin on arrive auprès d’une île où se trouve la cour féerique. Accéder à l’île demande d’attendre midi, heure à laquelle un pont apparaît. La mère de Sidonie doit avoir été libérée pour que le pont puisse se manifester. Un gardien ne laisse passer que si les personnages possèdent la bonne formule et de cadeaux valables à offrir à la reine.

La fête en l’honneur de la reine est somptueuse et, pendant toute sa durée, le temps semble comme suspendu. Passé les festivités la reine se fera une joie de recevoir la Troupe et, si on lui pose la question, précisera que la cour féerique a en charge la protection d’un géant endormi et du corps de sa belle. Cependant Sidonie ne sait rien de l’histoire d’Euric et de Pyrène, elle sait juste que le devoir de sa cour est de veiller sur eux. Elle ajoute également que les phénomènes que ressentent les habitants de la surface sont provoqués par les ronflements du géant et qu’il n’y a rien à y faire. D’après elle ce n’est pas la première fois que cela se produit et jusqu’à présent le géant ne s’est jamais réveiller. Elle refusera poliment mais fermement toute demande d’accès au lieu où reposent Euric et sa bien-aimée.

La Cour d’Ombre :

Cette partie du scénario, la dernière, commence en hiver alors que les grondements désormais coutumiers prennent davantage d’ampleur. Suffisamment en fait pour susciter une réelle inquiétude au sein de l’Alliance. Entre temps il est possible que l’un des membres de la Troupe particulièrement inspiré se soit rendu voir Hercule, au village de Lombrive, pour obtenir l’histoire d’Euric et de Pyrène.

Interrogé sur un moyen de faire cesser les cauchemars du géant une autre histoire lui revient en mémoire : « On raconte que, plus jeune, le roi Alphonse IX de León qui déjà possédait quelque intérêt en Galicie y rencontra une merveilleuse jeune femme dont il tomba immédiatement amoureux. Or ladite jeune femme n’était autre qu’une Meiga (fée traditionnelle d’Espagne, rencontrée plus fréquemment en Galicie et réputée concupiscente) et, même si elle était meilleure que ses congénères, elle commença bientôt à épuiser le jeune roi de ses ardeurs. La cour s’interrogea sur le moyen d’aider le roi sans provoquer la colère de la fée et obtint la réponse d’une Buena Maja (fée espagnole de la même famille que la Meiga dont la fonction est de tester les âmes des gens et de les punir ou de les récompenser en conséquence). Selon ses dires, l’eau du puits du couvent de l’Ordre des Colombines de Huesca possédait la capacité d’endormir les êtres féeriques. Ainsi fut fait et, ainsi que le dit désormais un proverbe espagnol, ‘la Maja fait le bien pendant que la Meiga fait l’amour’. ».

Suite à l’aggravation du phénomène, un lutin a quitté le regio féerique pour se rendre à la surface mais il n’est évidemment pas parvenu à franchir l’Aegis. Dès que le Conseil décidera qu’il faut envoyer de nouveau une expédition au sein du regio féerique, celle-ci trouvera le lutin mourant qui parviendra cependant à prononcer ces quelques mots avant d’expirer : « La Cour d’Ombre… je ne sais pourquoi… ils ont déplacé la dépouille de Pyrène… le géant, il se réveille… faut absolument remettre le corps de Pyrène auprès de lui et trouver un moyen de le rendormir… il faut faire vite… aucun de nous ne le connaît mais nous pensons qu’il existe une… ». Le lutin n’ira pas plus loin. Je suis obliger d’ajouter pour complaire à la société protectrice des êtres féeriques que le lutin n’est pas mort : il simule pour augmenter la tension dramatique. Si son message est compris de travers, il s’empressera de clarifier la situation avant de faire le mort à nouveau. Cela dit il n’y a rien à ajouter à la déclaration du lutin : la Cour d’Ombre qui contrôle le regio féerique pendant l’automne et l’hiver cherche effectivement à provoquer le réveil d’Euric pour semer le désordre à la surface.

Dès lors il y a deux choses à faire : la première est de descendre jusqu’au regio pour retrouver les ossements de Pyrène et les remettre auprès d’Euric ; la seconde est de trouver un moyen de rendormir le géant (la magie peut suffire mais il dispose d’une telle force magique qu’il est presque improbable d’y parvenir avec un sort spontané – encore qu’avec magie spontanée renforcée…).

Retrouver la dépouille de Pyrène :

La première étape est de redescendre dans le regio féerique et donc de passer de nouvelles épreuves. Ces épreuves diffèrent de la première fois car le regio est sous le contrôle de la Cour d’Ombre et non plus de la Cour de Lumière mais elles sont toujours au nombre de 3. Ces épreuves sont moins difficiles que les précédentes. La première consiste à jouer sur les peurs de chaque membre de la Troupe sachant que pour franchir victorieusement l’épreuve il est nécessaire de céder à la peur ! La seconde est toujours une énigme mais donnée par un lutin obèse complètement idiot qui déjà peine à réciter son texte. L’énigme est la suivante : « Une poule et demi pond un œuf et demi en un jour et demi. Combien d’œufs neuf poules pondent-elles en neuf jours ? ». L’énigme est facile et la réponse est 54 œufs mais encore reste-t-il à en convaincre le lutin pour qui la réponse est 9. Enfin la dernière énigme oppose les personnages à un de leurs défauts selon le même principe que la première épreuve, c’est-à-dire que l’épreuve est un succès seulement si le personnage cède à son défaut.

Le regio féerique sous domination de la cour d’Ombre consiste en une vaste lande désolée et enneigée au centre de laquelle se trouve un château massif et dénué de charme. Rejoindre le château n’est pas particulièrement difficile ; ici nul mécanisme obscur pour se déplacer d’un point à un autre du regio. Pourtant une armée d’êtres féeriques se tient prête pour la confrontation avec les personnages. Celle-ci est inévitable en grande partie parce que j’avais très envie d’introduire une scène de bataille rangée dans mon scénario. Donc avis au Conteur : prouesse de maîtrise réclamée pour donner vie à cette bataille.

Une fois celle-ci achevée le reste est une pure formalité ou presque : il s’agit de s’aventurer dans le château, d’y localiser les ossements de Pyrène (qui sont répartis en plusieurs endroits) et de trouver l’accès à la caverne du géant. Je n’ai pas d’indications particulières à donner sur cette partie qui peut être plus ou moins complexe en fonction de l’état d’esprit des joueurs et de l’état physique des personnages. Personnellement j’imagine des passages secrets tordus et une population de fées étrange qui peut soit jouer contre les PJs soit avec eux s’ils se montrent persuasifs. L’intérieur du château est froid et triste mais sans être dénué d’une certaine majesté.

Trouver le moyen d’endormir Euric :

La légende connue d’Hercule donne une solution possible. Il ne reste plus qu’à se procurer de cette eau et je laisse aux soins au Conteur de compliquer la tâche des joueurs et d’improviser sur le sujet. Sinon la magie peut pourvoir au problème.

Normalement le scénario devrait se conclure comme suit :

Les joueurs parviennent à trouver la dépouille de Pyrène et à rendormir le géant. Malheureusement celui-ci a le temps avant de retrouver le sommeil de provoquer un tremblement de terre important qui provoque l’effondrement des souterrains peu de temps après que les personnages soient remontés à la surface. L’événement provoque des dégâts plus ou moins importants en surface en fonction du temps mis par les joueurs à résoudre le scénario. Le regio est bien évidemment devenu inaccessible.

 

Fin